Première Classe 1
La santé est une préoccupation majeure pour un pilote de ligne tout au long de sa carrière. Tous les ans jusqu’à 40 ans et ensuite tous les six mois, il faut repasser par la case CEMPN (Centre d’Expertise Médical du Personnel Navigant) afin que celui-ci attestent que les pilotes sont physiquement et psychologiquement aptes à exercer leur métier et à transporter en toute sécurité voyageurs et marchandises aux quatre coins de la planète.
Je ne me souviens pas du moment où j’ai commencé à me passionner pour l’aviation, ni même pour quelles raisons, mais j’ai toujours su que le premier obstacle qui allait – peut-être - se dresser sur mon chemin d’apprenti pilote serait cette fameuse « Classe 1 ». En effet, celle-ci avait le pouvoir de briser mon rêve de toujours car sans Classe 1, il me fallait repenser intégralement mon futur et rejoindre le, tristement important, groupe des jeunes adultes en mal d’orientation.
Le point de non-retour au niveau de mes études supérieures approchant à grand pas, je décide enfin de prendre rendez-vous le 1 er décembre 2015 au Centre d’Expertise Médicale des Personnels Navigants de Toulouse.
Le corps à jeun et l’esprit plein de questions, je me rends, par une matinée fraîche et un magnifique ciel bleu, au CEMPN pour une matinée d’examens médicaux entrecoupés de longues attentes.
Arrivé à 8 h, je me présente à l’accueil où une infirmière me donne un questionnaire que je commence à remplir en attendant que l’on m’appelle pour la suite.
Un formulaire de questions ordinaires sur mon identité, mon expérience aéronautique ainsi que mes antécédents médicaux m’occupent durant environ 15 minutes avant que l’on m’appelle pour la prise de sang. Après le prélèvement, le médecin me propose de regagner ma place dans la salle d’attente où je feuillette quelques-uns des centaines de magazines et bandes dessinées à ma disposition.
L’ambiance dans la salle d’attente est très sobre et on comprend tout de suite que c’est un lieu conçu pour les passionnés de l’air. Il y a des tableaux de beaux avions accrochés aux murs et des flight case au pied de presque chaque fauteuil en cuir. Les pilotes, hôtesses et stewards présents daignent parfois observer un décollage visible derrière la grande baie vitrée. Ils en ont l’habitude, cela se voit. Moi pas, je passe donc mon temps à scruter tous les oiseaux de métal qui s’élèvent en essayant de deviner le type d’appareil, la compagnie, et pourquoi pas la destination.
Aux alentours de 9 h, on m’appelle pour l’électrocardiogramme. La poitrine recouverte de capteurs, ce test ne dure que quelques secondes et l’infirmière me propose ensuite de procéder au test de souffle. Le but est de souffler le plus longtemps possible pour mesurer la capacité pulmonaire (je pense). Une fois ce test terminé, je regagne la salle d’attente pour continuer à feuilleter le magazine que j’avais commencé et profiter de la vue sur le tarmac de Toulouse Blagnac.
Après avoir admiré le décollage d’un Beluga puis d’un A320 Neo, on me propose de procéder au test d’urines et arrive enfin le petit-déjeuner. Je suis dans une salle avec un élève pilote de ligne ainsi qu’un commandant de bord sur Boeing 777 à Air France. La conversation démarre, tourne bien évidemment autour de nos expériences personnelles, et je fais pâle figure aux côtés d’un pilote aussi expérimenté qui sillonne la planète depuis des dizaines d’années.
À la fin du petit déjeuner, il est temps de passer à la caisse : 430 Euros (petit-déjeuner compris !).
Tout au long de la matinée j’ai pu avoir la chance de discuter avec des pilotes qui m’ont fait part de leurs expériences entre deux tests médicaux et aucun d’entre eux n’a manqué de m’encourager à réaliser mon rêve. Certains m’ont dit que le contexte était favorable et que si, depuis 10 ans, il y avait un moment pour devenir pilote de ligne, c’est bien maintenant.
La suite de la visite se déroule de la manière suivante :
Test de vue : Il se déroule en deux parties : durant la première, on m’a pris en photo le fond de l’œil et fait faire un test de vision périphérique (pendant 5 minutes on doit fixer un point et appuyer sur un bouton dès que l’on remarque une lumière s’allumer dans notre champ de vision périphérique). Au cours de la seconde partie avec un ophtalmologue, j’ai eu droit aux tests classiques : acuité visuelle, vision des couleurs, vision des reliefs. À propos de la vision des reliefs, celle-ci est assez difficile et il est apparemment fréquent de ne pas tout voir.
Test ORL : Il s’agit ici d’une inspection des oreilles, de la gorge et des narines, et ensuite d’un test au cours duquel on est placés dans une pièce insonorisée avec un casque sur les oreilles. On doit appuyer sur un bouton à chaque fois que l’on entend un son (la sensibilité à toute la gamme de fréquences sonores audibles par l’Homme est balayée).
Médecine générale : Un médecin mesure votre taille, analyse votre morphologie et teste vos nerfs avec un petit maillet. S’ensuit la tant redouté palpation des testicules. J’appréhendais ce moment, mais en réalité, il n’est pas particulièrement stressant. Le médecin m’explique qu’il s’agit d’une prévention contre le cancer des testicules et m’explique comment il procède pour que je puisse le faire en autonomie par la suite.
Voilà l’essentiel du déroulement de la visite. Sachant que tout ceci est ponctué par des attentes pouvant aller jusqu’à 1 heure, cela nous amène pratiquement à 13 h et vient enfin le dernier rendez-vous avec le médecin chef.
Le voyant arriver avec le petit papier cartonné et un gros tampon « APTE » sur sa feuille, je me sens tout de suite beaucoup mieux et ne peux m’empêcher d’afficher un grand sourire sur mon visage. Un sourire qui ne me quittera pas de la journée ! Après quelques questions sur mes intentions futures, il me félicite et me souhaite une belle carrière.
Voilà, c’est fait, je suis médicalement apte. En clair : j’ai le droit de réaliser mon rêve. Le reste ne dépend plus que de moi !